Histoire
« Il était une fois un haut pays couvert de forêts… Si l’on écrit un jour l’histoire de ces terres d’entre les Vallées de l’Arve et du Giffre, il faudra commencer ainsi ! André Louis Trabut
85 ANS. Un bel âge. Un âge senior.
Ils étaient 367 habitants aux prémices de cette nouvelle ère pour la station… Leur vocation de vie a évolué au fil du temps qui passe… D’agriculteurs et horlogers, ils sont devenus moniteurs de ski, pisteurs et secouristes, employés de remontées mécaniques, commerçants…
1936, c’est aussi l’année des premiers congés payés, début du formidable essor des migrations touristiques.
Malgré tout, Les Carroz ne se sont pas faits en un jour ! Retracer ces étapes de grandes mutations – parfois rapides, parfois lentes – restent des moments forts traversant les années et les hommes.
Le premier téléski
Pour comprendre l’avant-garde de cette construction, il faut se remémorer le contexte. Car au milieu des années 30, le ski n’avait pas encore acquis sa vocation de sport-loisir populaire. Même si quelques ruraux et montagnards le pratiquaient, pour l’avoir appris sous l’uniforme des régiments alpins.
Le premier « monte-pente » est imaginé par Charles Pons et Léon Carpano. Ils étaient fabricants de pièces d’horlogerie. Des travaux auraient été entrepris pour la création du premier téléski dès 1936. Une assise en béton enfouie dans le sol a été retrouvée, elle indiquait cette même date.
Sa mise en service date de Noël 1938, et l’inauguration en parallèle avec une bénédiction s’est faite en janvier 1939.
La station possède alors le plus long téléski construit (1600m pour une dénivellation de 560m), et la publicité de l’époque ne tarit pas d’éloge à ce sujet.
Cette installation assurait un débit de 180 personnes à l’heure et il fallait quatorze minutes pour grimper des Moulins jusqu’au sommet de la Kédeuze, via un large couloir en pleine forêt et à l’abri des vents.
Fernand Passy à la caisse et Prosper Renaud comme perchman étaient les premiers employés de « la » remontée mécanique, transformée en télécabine en 1954, toujours ainsi nommée la “Kédeuze”.
Le premier forfait de ski est vendu en 1938 ! Le « tire-fesses » permet alors aux skieurs de découvrir les joies de la glisse sur trois pistes :
- la piste rouge de « Frison Roche » : une piste en dévers de 4,5km s’adressant aux skieurs moyens ; elle rejoignait la Zorta actuelle puis la Combe jusqu’à son arrivée.
- la piste bleue de « Timalets » : elle empruntait le tracé de la piste des Timalets actuelle, pour descendre sur les Servages. Cette piste, pour skieurs très entrainés, ser ala piste olympique lorsque de nouveau travaux auront permis de l’élargir de 10m sur tout son parcours. Aujourd’hui, cette piste est la rouge emblématique de la station qui permet de redescendre skis aux pieds au village ; la seule piste que l’on voit depuis la vallée !
- la piste jaune des « Mouillets » : cette piste débutant de 6km de long est approximativement la piste Sarbotte actuelle.
Le téléski de Kédeuze est sans nul doute l’acte-symbole de la naissance de la station !
L’après-guerre 39-45 : second départ
La guerre de 39-40, l’occupation italienne d’abord, allemande ensuite… L’après guerre où l’on se souciant plus de garnir son assiette que de partir en vacances… constitua un entracte prolongé dans le développement du tourisme aux Carroz.
Il faudra attendre plus de sept pour qu’un second téléski voit le jour : le « Figaro ». Une naissance pas facile ! Fernand et Hubert Moret s’associent à René Pastore, un carrossier passionné de ski et ami de Jean Pomagaski, futur constructeur de remontées mécaniques.
Leur idée : un téléski permettant de relier le village à la gare de départ du téléski de Kédeuze, tout en assurant un service continu pour les enfants, les débutants et les skieurs prudents hésitant à affronter les rudes pentes du premier téléski de 1939.
C’est à l’hiver 48/49, après avoir obtenu les autorisations de passages sur les terrains privés que le second téléski fut mis en service. Il accueillait également les moniteurs pionniers donnant leurs premiers cours. C’était la troisième réalisation de « Poma », à perches rigides non télescopiques.
A l’époque, le forfait n’existait pas ; les skieurs pouvaient acheter une carte pour une seule montée ou une carte de 10 montées à poinçonner.
La piste Figaro et le tapis du même nom accueillent encore aujourd’hui les premières traces des apprentis skieurs.
La première Télécabine
Si la construction du premier téléski fut un événement, que dire de son remplacement par la télécabine ? Car le bon vieux « tire-fesses » vieillissait mal du fait de ses infrastructures en bois et de son tracé en forêt, parfois en dévers.
Pour que Les Carroz gardent leur place dans le concert des stations naissantes, il fallait le remplacer !
Construite en 1954 avec le système « Applevage », le tracé de la première télécabine différait de celui du téléski, et rejoignait le sommet de la crête de la Kédeuze, à 1800m. Pour l’époque, c’était une réalisation très moderne : 18 cabines de 4 places en plexiglas et aluminium riveté. L’évolution de la station, comme le débit horaire, s’accéléraient !
Le 3 avril 1954, l’inauguration a lieu en grandes pompes avec la présence d’un Ministre pour la première fois aux Carroz. Les skieurs du Club pour la haie d’onneur, la fanfare des chasseurs du 27ème B.C.A, le maire Fernand Moret et son écharpe tricolore, un grand banquet… Une fameuse journée et un grand moment de vie locale !
Le développement
L’élan ainsi donné ne sera pas poursuivi dans l’immédiat. Des réticences pour accentuer le développement et des divergences entre agriculture et tourisme obligeront encore à patienter pour qu’un nouveau pas soit franchi.
Si bien que des projets comme l’équipement de la Combe de l’Airon ou celle de Vernant, formulés dès 1957/1958, ne verront le jour que beaucoup plus tard.
En même temps que la création envisagée de Flaine, la station des Carroz se dote d’un bureau de poste, du premier cabinet médical et d’un Syndicat d’Initiative.
Le téléski de Gron en 1962, celui de Plan Moulin l’année suivante, complètent le potentiel technique. En 1964, la station se compose de cinq remontées mécaniques, cinq pistes principales, cinq moniteurs à l’E.S.F et deux mille lits touristiques.
De l’époque de pionnier, Les Carroz passent dans l’ère du tourisme. Et la question de la gestion de l’ensemble des remontées mécaniques se pose. Ces dernières vont successivement être gérées par plusieurs entités. De cette valse de gestion ressortira en 1984 une société solide et ambitieuse : la SOREMAC, encore et toujours gestionnaire-exploitant du domaine skiable des Carroz.
Texte extrait des parutions « 60 ans de ski » par André-Louis Trabut et « 70 ans de ski ».